u[LIEUTENANT COLONEL LUDOVIC NGAÏFEÏ ]u
Selon le Lieutenant colonel, après l'attaque du 29 janvier, « nous avons travaillé dans Paoua et dans toutes les pénétrantes qui convergent vers Paoua, à savoir les routes de Paoua-Bossangoa, Paoua-Bocaranga et Paoua-Bémal sur un rayon de 50 km.
Nous avons constaté effectivement que certaines localités environnantes ont servi de base de préparation pour ces attaques. Nous nous y sommes rendus pour déloger les assaillants. Mais nous n' y sommes pas allés avec le cœur de Mère Thérésa. Nous avons employé les gros moyens et la population a eu peur. Nous ne l'avons pas pour autant attaquée. Quand il y a eu résistance, naturellement, nous avons employé nos armes pour faire peur. Notre réaction à l'attaque du 29 janvier a effectivement engendré la peur parmi la population. Il y a eu attaque, c'est vrai et nous avons réagi. Il ne m'appartient pas de donner le résultat de nos ripostes. Vous êtes là sur le terrain.
Est-ce que nous avons opprimé cette population ? Est-ce que nous ne l'avons pas opprimée ? C'est à vous vraiment de juger et de le dire exactement au peuple centrafricain.
Maintenant la question est de savoir ce qu'on doit faire pour ramener cette population en fuite. On n'est pas là pour faire de la propagande ni pour parler à une population comme des politiciens.
On s'est limité aux actions civilo-militaires c'est-à-dire soigner les blessés après ces attaques. Le gros du travail, ce sont nos hommes politiques, les élus du peuple. Il faut qu'ils viennent vers leur population. Qu'il y ait un langage d'apaisement. Sur les ondes, c'est parfois de l'huile qu'on jette encore sur le feu. Et quand on dit qu'il y aura encore des représailles dans ces zones, naturellement la population a peur de revenir. Par contre vous avez sillonné Paoua, vous vous êtes rendus compte que les hommes circulent. Les gens étaient revenus à un moment dans les villages tout simplement parce que le ministre de l'intérieur était passé ici et a parlé à la population. Nos élus et les maires des localités doivent venir parler à leurs administrés pour qu'il y ait apaisement afin que les gens regagnent leurs villages. Je crois que le maître mot, c'est la psychose. Parce que dès qu'ils voient les véhicules militaires, ils fuient en brousse. Pourtant s'ils restaient on s'arrêterait pour leur venir en aide notamment aux blessés. C'est inscrit dans nos activités.
Le Lieutenant Colonel réfute qu'on qualifie de rébellion ce que lui, en terme militaire appelle « action des agitateurs qui viennent se greffer sur celles des coupeurs de route. Nous allons vivre avec ces deux phénomènes, qui sont des phénomènes de société.
Ce sont des gens désoeuvrés qui se cherchent et naturellement on va vivre avec. Nous, militaires, nous ne pouvons peut être pas enrayer systématiquement ces phénomènes, mais nous pouvons réduire au maximum leurs effets de nuisance sur la vie de la population ». Il a évalué l'état global de la sécurité à 80-85%. « En dehors de ces actions de coupeurs de route et autres, on peut estimer à 85%. Pour un pays, c'est quand même pas mal.
Ne pensez pas qu'il n'y a que la République Centrafricaine qui les subit. Même en côte d'ivoire, au Cameroun et ici à côté de nous, le phénomène sévit. Mais seulement, il faut de gros moyens pour essayer d'encadrer nos commerçants, éduquer un peu nos peulhs, aider l'armée centrafricaine dans les actions qu'elle mène pour sécuriser au moins à 95% dans la zone de Paoua et ses environs, la zone Nord et zone Ouest en général.
L'autre phénomène, c'est ce que je disais tantôt, le phénomène des agitateurs qui s'attaquent à l'institution armée. Là, je n'ai pas 36.000 solutions ni 36.000 réponses. Celui qui s'attaque à l'institution militaire en subit le revers et ce n'est pas du cadeau. Ça, c'est clair. Nous sommes quand même une institution. On ne va pas laisser les gens s'attaquer à chaque fois comme ça à nos positions militaires.
Pour eux, je n'ai pas d'autres solutions que celles qui consistent à entreprendre des représailles. C'est beaucoup plus le phénomène Zaraguina qui nous tient à cœur. La population doit également chercher à contrer ce phénomène. Sur notre passage, vous avez vu que dans un village il y a eu une attaque juste quelques minutes avant que l'armée n'arrive.
La population est sortie avec les armes de chasse. C'est à peu près ce qu'on va demander à toute la population, là où sévit ce phénomène de coupeur de route. Il faut faire front. Vous-même vous l'avez constaté. Ce sont des gens qui ne sont pas superbement armés. On nous dit toujours qu'ils sont lourdement armés. Tout ça ce n'est rien du tout. Je crois que même la population peut déjà commencer à se défendre en attendant l'arrivée de l'armée.
Vous savez que nos armées, comme le dit souvent mon chef hiérarchique le général Gambi, Chef d'Etat Major des armées, sont en restructuration. Maintenant, nous sommes en phase de consolidation. N'oubliez pas que nous sommes dans la sous région, le pays qui a très peu d'effectif. Alors, on ne peut pas couvrir tout le territoire.
C'est très important. C'est pourquoi nous demandons également le concours et la participation de tous. Sécuriser une nation, c'est l'affaire de tout le monde, il n' y a pas que l'armée.
Nous pensons, on va essayer de réfléchir au niveau des instances de l'Etat Major, impliquer beaucoup plus les jeunes dans une forme d'auto défense. Nous allons former des jeunes, leur inculquer certaines notions de courage afin qu'ils puissent eux-mêmes, à leur niveau, commencer à faire ce travail.
La maison RCA ne brûle pas. Ce sont des phénomènes que d'autres pays connaissent mais seulement, ils savent comment véhiculer les nouvelles, ils savent comment les cerner et puis remonter le moral de tout un chacun afin qu'on ne puisse pas les considérer comme un drame national ».
u[b) LA GARDE REPUBLICAINE]u
De sources concordantes, le Lieutenant Ngaïkosset et ses hommes ont participé aux opérations de ratissage dans la ville de Paoua le 31 janvier. Il aurait déclaré en sango aux notables de la ville : «Mbi ga ti sala kwa ti mbi. Ngu a kè da apè» (en français « nettoyage à sec »). Son rayon d'action s'est situé au quartier musulman. D'autres sources attesteront que le Lieutenant NGaïkosset et ses hommes, à leur entrée dans Paoua, auraient tiré sur un groupe d'élèves qui fuyaient la ville. Les mêmes sources ont indiqué que tôt le matin déjà, ils auraient abattu trois jeunes qui auraient refusé de leur indiquer les caches d'armes des assaillants et le lieu de retraite de ces derniers. Selon les populations, un officier des FACA, au vu de ces exactions, aurait intimé l'ordre au Lieutenant Ngaïkosset de regagner sa base de Bossangoa. Ce qu'il fit.
Notons toutefois qu'après le 31 janvier, les autorités administratives, politiques et militaires dont le préfet de l'Ouham-Pendé, les députés suppléants, des notables et le capitaine commandant la compagnie militaire de Paoua etc. ont sillonné les localités éprouvées appelant la population à regagner leur domicile et à vaquer à leurs occupations.
Cet appel fut entendu. Les populations ont commencé à regagner leurs villages et à vaquer à leurs occupations quand, subitement, le 11 février 2006, le Lieutenant Ngaïkosset et ses hommes, firent irruption dans les communes de Nana Barya et Myapendé.
Des témoignages concordants recueillis à Paoua indiquent que le passage de la Garde Républicaine sur l'axe Nanga Boguila-Béboura et Béboura-Bémal ce jour, puis le 18 février, a semé la désolation occasionnant de nombreuses pertes en vies humaines. A ce propos, quelques chiffres sur lesquels nous reviendrons nous ont été donnés en ce qui concerne les communes de Myapéndé et Nana Barya, à savoir les villages Béboura 1, 2 et 3, Béogombo 1 et 2, Békoro-Ecole et Bénamkona.
u[Témoignages
Le Lieutenant Eugène Ngaïkosset de la Garde Républicaine, Commandant le Détachement, Nord et Nord Ouest basé à Bossembélé]u.
«Une base militaire a été attaquée par des rebelles au Nord, précisément à Paoua et je me trouvais à moins de 100 kilomètres.
L'Etat major m'a demandé de porter main forte à cette unité. Je n'ai fait que remplir mon devoir de citoyen centrafricain.
Notre mission n'est pas d'aller massacrer une population. Nous nous sommes attaqués à ceux qui portaient des armes. Une partie de la population nous a été hostile notamment dans les villages Béboura 1, 2 et 3 où on nous a intimé l'ordre suivant». « Partez, partez, on n'a pas besoin de vous ici»!
u[UN LYCEEN]u
N.F., élève au Lycée de Paoua en classe de 1ère affirme : « Le 29 janvier 2006, il y a eu les événements de Paoua. Je suis revenu de l'église où j'ai dirigé la chorale pendant la messe. Face à l'ampleur des événements, j'ai accompagné ma famille pour la mettre en un endroit sûr. Après avoir retiré ma machine à coudre laissée à l'atelier, je me suis rendu à une veillée mortuaire vers le village Poulélé.
« C'est à ce moment que nous avons été arrêtés à une barrière militaire la nuit. Le lendemain matin nous sommes conduits à la base militaire pour subir des tortures. Sur 8 personnes arrêtées, je suis l'unique survivant. Les tortures étaient telles que l'un de nos compagnons infortunés qui tentait de s'évader a été froidement abattu par un militaire.
J'ai eu la vie sauve grâce à l'intervention du curé de la paroisse et du censeur du Lycée de Paoua. »