Il y a déjà quatre jours, la localité de Birao vit le martyr. Birao est une ville assiégée mais assiégée par qui ?
Il est difficile de recouper les informations qui circulent ici ou là auprès des autorités les mieux indiquées à savoir : la Présidence de la République, le ministère de la Défense, le ministère de l'Intérieur, de l'Etat-major général des Forces Armées Centrafricaines (FACA) désormais le dos au mur et face à ses responsabilités premières, la défense du territoire national.
D'abord, on note que les principales autorités du pays (Président de la République, Président de l'Assemblée Nationale, Premier ministre…) étaient absents de la capitale (en voyage à l'extérieur), lorsqu'une bande armée a frappé à Birao sans trouver aucune résistance. C'était lundi matin aux environs de 4 heures. La ville a été cueillie à froid. La gendarmerie locale n'a rien vu venir et le détachement des FACA dont les éléments étaient en vadrouille a été mis hors d'état de résister à l'attaque. La preuve, les véhicules de transports de troupes (VLRA) et ses 4x4 BJ 75 ainsi qu'une cargaison d'armes et de munitions a été emportée comme butin. Ce qui place de fait les FACA peu outillées et peu motivées dans une situation difficile en cas de riposte envisagée.
S'agissant de l'identité proprement dit des assaillants, on connaît désormais la thèse officielle : les assaillants viennent du Soudan avec le soutien de ce pays voisin. C'est même la quintessence du communiqué de presse rendu public lundi dans la journée par le Conseiller, Porte-parole de la Présidence de la République qui se démène après coup pour soutenir qu'il n'a jamais accusé le Soudan. Et pourtant, l'ambassadeur de ce pays ami aurait été convoqué à la Présidence pour des explications. Il ressort de cette convocation que l'ambassade du Soudan à Bangui n'est pas très informée sur l'identité du mouvement armé qui a revendiqué la prise de Birao. Des renseignements précis doivent être pris auprès du gouvernement soudanais.
Toutefois, il apparaît clairement dans le communiqué de presse du Porte-parole de la Présidence de la République, qu'il s'agirait d'une bande armée non identifiée venue de Darfour. Le Soudan est directement pointé du doigt quoiqu'on dise.
Mais des informations en provenance de certaines chancelleries installées à Bangui et qui suivent de très près l'évolution de la situation à Birao, la ville de Birao a été attaquée et envahie par des ex-libérateurs et ex-compagnons de rébellion armée du Général François Bozizé. Opposés à la fois au Président Idriss Deby Itno du Tchad qui les a jetés en prison et au Président François Bozizé qui les a lâchés et trahis après le 15 mars 2003. Ces ex-libérateurs auraient un double objectif : faire de la ville de Birao et de son aérodrome une base aéroportuaire pour la rébellion tchadienne hostile à Deby et se constituer une base arrière pour l'UFDR, un mouvement rebelle hostile au Général François Bozizé. Dans ces conditions, on peut demander qui a armé et équipé ces ex-libérateurs?
Une chose est sûre, on dit que l'ex-président Patassé n'aurait plus d'argent mais il n'a pas moins d'amis dans le monde et en Afrique. Jean-Jacques Demafouth négocie avec François Bozizé son retour au bercail et n'aurait aucun intérêt à se mêler de pareille agression. Nous ne sommes que dans des hypothèses. Mais ce qui urge aujourd'hui, c'est la riposte et la capacité des FACA. Les autorités politiques de l'Etat-major général sur la braise paraissent tous attendre des instructions et le retour à Bangui du Général Bozizé. Il pourrait déjà avoir fait demi-tour dans la soirée de mardi.
Mais, seule l'armée centrafricaine ne pourra efficacement donner la riposte. Et depuis lundi, le temps passe donnant ainsi l'occasion aux assaillants de prendre racine à Birao avec une occupation massive de l'aérodrome en attendant des renforts. Attention au pourrissement et à la contagion !
Il va sans dire qu'au fond, c'est la légitimité même et l'avenir du régime de Bangui qui se joue à Birao après les élections jugées transparentes par la communauté internationale. La France a les moyens de la riposte fulgurante mais elle ne saurait se substituer aux autorités centrafricaines frappées de laxisme, d'attentisme et d'immobilisme.