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2 mai 2006 2 02 /05 /mai /2006 11:39

INTERVIEW Général François Bozizé, président de la République centrafricaine

 

« La France a voulu éviter un désastre humanitaire »

 

Peut‑on vraiment parler de stabilité politique depuis votre prise de pouvoir?

François Bozizé. Bien sûr. Depuis le changement du 15 mars 2003, nous nous sommes employés, avec l'ensemble des forces vives du pays, à faire que la paix s'instaure au fur et à mesure du temps qui passe. La politique que nous avons instituée est une politique où tous les Centrafricains doivent être et sont concernés. La base de la réussite est l'entente et la recherche de l'intérêt supérieur de la nation. C'est ce que nous avons mis en place pendant la période de transition. Dans le gouvernement de transition et au Conseil national de transition, toutes les sensibilités sont représentées.

Comment s'est passé le premier tour?

F.B. Dans l'ensemble, c'est une élection assez transparente. Quand on la compare avec les élections antérieures, on ne peut que se féliciter. Pour un pays qui a connu tant de soubresauts, on ne pouvait guère espérer être à ce niveau. Nous avons travaillé deux ans d'arrache‑pied et cela a payé.

Quel a été le jugement de la communauté internationale sur ce premier tour des élections?

F.B. Nous avons tout mis en oeuvre pour qu'une démocratie véritable fonctionne en République centrafricaine. La communauté internationale établie à Bangui a reconnu que du bon travail avait été fait depuis le changement du 15 mars 2003. Les observateurs internationaux ont fait des déclarations diffusées dans la presse et à la radio qualifiant ces élections de «sérieuses», «honnêtes» et «transparentes».

En tête au premier tour, vous avez besoin d'un certain nombre de reports de voix pour gagner. Où en êtes‑vous ?

F.B. Nous sommes en négociation avec les autres partis politiques. D'ici à la semaine prochaine, nous pourrons être un peu mieux fixés. Avec 43 % quand même, je suis bien placé! Il suffit de bonnes négociations, et je crois que je pourrais gagner.

La CEMAC, puis la France et l'Union européenne vous ont reconnu assez rapidement. Est‑ce que cela signifie que vous représentez une solution fiable pour la RCA?

F.B. Le changement s'est déroulé presque sans effusion de sang. Seuls deux ou trois militaires sont tombés, mais la population est restée indemne. Il faut saluer cela dans un pays qui frôlait presque le Rwanda. Nos voisins connaissent bien la situation centrafricaine et savaient qu'il fallait répondre rapidement au nouveau pouvoir et ne pas tergiverser afin d'éviter le chaos. Depuis, les autorités de la CEMAC nous ont toujours soutenus.

Ont‑ils la crainte d'une déstabilisation de la sous‑région?

F.B. Oui. L'ancien régime avait créé une situation insupportable, en combattant et en bombardant sa population à l'aide d'une armée et d'une aviation étrangères, une armée rebelle venue d'un autre pays pour piller, voler, violer, saccager, détruire. C'était un pouvoir qui devenait fou.

Pourquoi la France vous a‑t‑elle soutenu, malgré une prise de pouvoir par les armes?

F.B. La France s'est alignée sur la position des chefs d'Etat de la CEMAC et a même dépêché à Bangui un détachement de militaires pour les appuyer. La situation laissée par l'ancien régime laissait craindre un désastre humanitaire tant pour les Centrafricains que pour les étrangers.

La sécurité est‑elle désormais rétablie partout?

F.B. Oui, depuis le 15 mars, dans les faits, la paix règne en Centrafrique, 80 % du territoire est sécurisé, même s'il faut poursuivre et améliorer encore les forces de défense et de sécurité. Je suis allé sur le terrain pour constater de mes propres yeux : l'armée a maîtrisé la situation même dans l'est du pays, près de la frontière avec le Soudan.

Quels sont vos projets pour redresser économiquement le pays?

F.B. Le pays a des atouts, tant au niveau de son sous‑sol ‑ diamants bien sûr mais aussi pétrole ‑ qu'au niveau de son agriculture. Sans parler des forêts. Mais il nous reste à faire la propreté au niveau de l'administration, de l'économie, des finances. Je crois qu'après le pays pourra repartir tranquillement. On peut nous comparer, par exemple, à un pays comme le Burkina, qui n’a pas les mêmes ressources que nous, avec une hydrographie moins importante par exemple, mais qui a réussi malgré tout par une bonne et rigoureuse gestion et surtout par le travail. C'est mon leitmotiv: « Kwa na Kwa », « le travail, rien que le travail».

Comment analysez‑vous la situation de deux pays déstabilisés eux aussi, la Côte d'Ivoire et le Togo?

F.B. Je crois que la politique politicienne en Afrique doit laisser la place à l'intérêt supérieur de la nation. Chaque partie doit donner du lest pour que les choses puissent avancer. Rester figé chacun de son côté ne permet pas de parvenir à quoique ce soit. Au Togo, ils sont en train de corriger les choses et une dynamique positive se met en place. Il n’y a pas eu d'émeutes et c'est déjà pas mal. En Côte d'Ivoire, ils viennent de signer les accords de Pretoria.

Quels sont vos rapports avec votre puissant voisin, la République démocratique du Congo (RDC) ?

F.B. Nous avons de très bons rapports avec le président Kabila mais nous attendons que les nouvelles forces armées de Kinshasa arrivent jusqu'à nos frontières, sur l'équateur, et prennent position dans des villes comme Gbadolite ou Zongo. A partir de là, nous serons plus tranquilles et les relations vont se détendre encore plus.

Et avec Jean‑Pierre Bemba, un des vice‑présidents de la RDC et dont les soldats soutenaient Ange‑Félix Patassé que vous avez renversé ?

F.B. Je n'ai pas encore rencontré Jean-Pierre Bemba depuis que ses forces ont retraversé le fleuve et sont reparties de l'autre côté de la frontière. Il semble ne pas vouloir nous déranger et c'est tout ce que nous lui demandons.

Propos recueillis par François Rousselle

 

(c) France Soir du 12/04/2005

 

 

 

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