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27 avril 2006 4 27 /04 /avril /2006 16:25
Centrafrique : Insécurité et menace de famine dans le Nord

(Syfia Centrafrique) La famine guette le nord de la Centrafrique où les paysans, en bute aux exactions de l'armée nationale ou des rebelles, ne vont plus ni dans les plantations ni au marché. Craignant pour leur vie, ils se terrent chez eux ou dans la brousse.

"Sur une distance d’environ 50 km, il n’y a pas de vie dans les villages. Tout bruit de moteur fait fuir les villageois en brousse." Le récent rapport de l'Union des journalistes de Centrafrique (UJCA) sur la situation à Paoua (chef-lieu de la préfecture de l’Ouham-Pendé à 400 km au nord de Bangui), décrit une région encore sous le choc. Il énumère les nombreuses exactions sur les populations civiles dans cette ville de 149 000 habitants : au moins 35 morts imputés aux Forces armées centrafricaines (FACA), plus d'une dizaine d'élèves et d'adultes abattus par la Garde républicaine, de nombreux cas de tortures, etc.

Accusé par l'opposition de procéder à "l'épuration ethnique sous prétexte de lutter contre les responsables de l'insécurité dans le Nord", le pouvoir a financé une mission d'enquête de journalistes à la demande de l'UJCA. Celle-ci constituée des journalistes de la presse privée et gouvernementale, de chargés de communication de la présidence et de l'armée, et encadrée par des officiers de l'armée, s'est rendue dans la sous-préfecture de Paoua débat mars. Conclusion du rapport : "Il y a eu certes des tueries, mais la mission est incapable de donner des chiffres exacts n’ayant pu rencontrer tous les témoins du fait de la fuite des habitants dans la brousse et parce que les reporters ont été soupçonnés par certains habitants d’être des agents du régime."

Les rebelles et les coupeurs de route

Depuis la contre-offensive menée en janvier et février derniers par l’armée gouvernementale basée à Paoua contre les rebelles de l'ex-président Patassé (voir encadré), suivie du ratissage de la région sur un rayon de 50 km, de nombreux habitants de la ville et des villages ont fui pour se réfugier en brousse ou de l'autre côté de la frontière, au Tchad. "Les éléments de l'armée font des fouilles systématiques dans les maisons, confie un lycéen sous anonymat. Les jeunes sont accusés d’être de mèche avec la rébellion." "Des milliers de personnes qui sont en brousse se nourrissent de la cueillette et des fruits sauvages", confirme Victor Nadibé, fonctionnaire du ministère de l’Agriculture en service à Paoua.

Les rebelles s’en prennent aux agriculteurs et aux commerçants, empêchant ainsi l'approvisionnement sur les marchés. Craignant pour leur vie, les villageois ne se rendent plus dans leurs plantations pour cultiver ou pour récolter. Les activités agro-pastorales, la pêche et la chasse sont paralysées. La présence endémique de coupeurs de route ne facilite pas non plus les échanges. L’Ouham-Pendé, où fleurissaient les activités économiques, a été ravagée et le matériel agricole emporté par des hommes en armes.

La famine se profile. Martine Gotto, tout en attisant le feu sous une petite marmite de mil, à demi remplie, ne sait comment elle va pouvoir nourrir ses quatre petits enfants, qui la regardent d'un air triste. "Ce repas ne va pas satisfaire toutes ces bouches, confie-t-il, en désignant deux de ses petits-fils, squelettiques. "Aujourd’hui, poursuit-elle, chaque famille est obligée de se contenter d’un seul repas par jour." De plus, les gens doivent souvent partager leur maigre nourriture avec des éléments des Forces armées centrafricaines en patrouille dans la région. Luc-Apollinaire Dondon Konamabaye, député de Paoua, y voit "la manifestation de l’hospitalité légendaire des électeurs" alors que ceux-ci se disent contraints aujourd'hui de nourrir les loyalistes comme hier les rebelles.

Des appels et pas d'aide

Conséquence, les carences alimentaires s'accentuent. Les organisations humanitaires avancent le chiffre de 1930 kcal/jour, très en deçà des 2700 kcal/jour recommandées par le Fonds des Nations unies pour l’alimentation (FAO). Sur plus d’un million de Centrafricains vulnérables, selon la FAO, plus de 800 000 ont été recensés au nord du pays.

Les derniers affrontements n'ont fait qu'aggraver la malnutrition dans cette région en proie à des conflits armés depuis 2002. Le représentant du Programme alimentaire mondial (PAM) à Bangui estime qu'il faudrait "4 millions de dollars pour alimenter le groupe cible de 50 000 personnes pendant six mois et empêcher la tragédie humanitaire". Ce nouvel appel aura-t-il plus de succès que le précédent ? En avril 2003, la faible réponse des donateurs (à peine 17 % de l'aide demandée) n'avait pas permis aux populations de Paoua de combler leurs besoins en vivres ni en semences. Et depuis la situation n'a fait qu'empirer.
Gabriel Ngoulaka


De rébellion en rébellion

Le nord de la Centrafrique est depuis quatre ans le théâtre d'affrontements entre les loyalistes et les rebelles. En 2002, François Bozizé, l'actuel président, alors chef d’État major de l'ex président Ange Félix Patassé tombe en disgrâce et se replie dans le nord où il fonde une rébellion appuyée par des éléments venus du Tchad. Parti de cette région, Bozizé renverse Patassé le 15 mars 2003. C'est alors au tour des éléments restés fidèles au président déchu réfugié au Togo de se replier dans le nord. Cette nouvelle rébellion lance régulièrement des attaques contre les positions de l'armée gouvernementale dans la région. Ces affrontements pousseront les populations prises entre deux feux vers les camps de réfugiés au Tchad.
G. N.

Source : Syfia Internationale

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