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29 avril 2007 7 29 /04 /avril /2007 11:13
"Plus Fort Que Le Procès Stalinien"

 

Ayé.

A Clermont-Ferrand, Nicolas Sarkozy a complètement disjoncté, accusant (d'après "Le Monde") François Bayrou et Marie-Ségolène Royal de lui faire, accrochez-vous, "un procès "plus fort que le procès stalinien"".

Rappelons, pour qui aurait manqué un épisode, l'enchaînement des faits qui ont eu raison de la raison de Nicolas Sarkozy.



1.
Tout a commencé le jour où Nicolas Sarkozy a découvert que François Bayrou et Marie-Ségolène Royal voulaient débattre à la télé: pour stupéfiant que cela puisse paraître, cette seule perspective a suffi à plonger Nicolas Sarkozy et ses pin's parlants dans une espèce de rage hallucinée, qui les a fait partir dans des vrilles d'anthologie.

(C'est dire la maîtrise de ces mecs-là.

C'est dire l'effroi qui naît de l'idée qu'ils puissent un jour contrôler notre feu nucléaire.)

Exemple: André Santini, maire tragicomique d'Issy-les-Moulineaux, a pu éructer qu'un tel débat serait, je cite, "antidémocratique", et "anticonstitutionnel" - sans être aussitôt évacué vers une maison de repos.

(Si ce débat, qui a finalement eu lieu, était d'une façon ou d'une autre anticonstitutionnel, Marie-Ségolène Royal et François Bayrou doivent, d'urgence, être déférés devant un tribunal.

Si en revanche ce débat, quoi qu'on puisse en penser par ailleurs, n'était qu'un débat, il faut que le digne André Santini et ses copains de chez Sarko nous éclairent mieux sur leur conception de la démocratie et de sa Constitution - et sur leur éventuelle intention de modifier l'une ou l'autre, pour les rendre plus conformes à leurs tristes fantasmes.

Je dis ça, je dis rien.)



2.
Le débat entre Marie-Ségolène Royal et François Bayrou qui a tant énervé la Sarkozie devait initialement être diffusé par et sur i-télé, filiale de Canal +, qui s'est finalement (et courageusement) défilée.



3.
François Bayrou, puis Marie-Ségolène Royal, ont alors dit leur conviction (partagée me semble-t-il par un certain nombre de leurs concitoyen(ne)s) que Nicolas Sarkozy avait fait "pression(s)" pour que ce débat ne puisse être organisé.

Est-ce tiré par les cheveux?

Non.

Pas dans le pays qui a vu licencier Alain Genestar (lequel n'a pourtant pas exactement le profil d'un Ravachol de la presse magazine) au seul motif qu'il avait déplu à Nicolas Sarkozy.

Pas dans le pays qui a vu l'éditeur d'un livre sur Nicolas Sarkozy ressortir du bureau de Nicolas Sarkozy avec, réflexion faite, la ferme intention de ne jamais publier ce bouquin - sans que nul ne sache, aujourd'hui encore, ce que Nicolas Sarkozy a pu lui glisser dans le creux de l'oreille pour lui faire prendre une si téméraire décision.

Pas dans le pays qui a vu Claude Guéant, le directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy, intervenir auprès du boss de France Télévisions pour sauver l'émission d'un scribouillard converti à la sarkolâtrie.

(Etc.)



4.
L'hypothèse que Nicolas Sarkozy et son entourage puissent, d'une manière ou d'une autre, intervenir dans le cours médiatique est tout, sauf déplacée.



5.
Nonobstant, Nicolas Sarkozy a vu dans la formulation de cette hypothèse, comme le rapporte ce soir dans "Le Monde" Philippe Ridet, "l'occasion de se poser en victime".



6.
Alors Nicolas Sarkozy a d'abord fait donner la troupe de ses fidèles sujets.

André Santini, on l'a dit.

Mais encore Claude Guéant, qui a sévérement tancé François Bayrou, l'accusant de "dénoncer sans aucune preuve" - et jugeant cela "extrêmement grave".

(Claude Guéant devrait, je crois, en rabattre un peu.

Voire beaucoup.

Sur un tel sujet.

Claude Guéant ne peut pas ne pas savoir que dans la vraie vie, le gars qui lance des accusations gravissimes "sans aucune preuve" ne s'appelle pas François Bayrou, mais Nicolas Sarkozy.

Par exemple, c'est Nicolas Sarkozy, et non François Bayrou, que l'on sache, qui en 2005 a, dans une séquence d'une rare indécence, d'abord présenté Zyed Benna et Bouna Traoré, morts électrocutés dans un transformateur, en prétendus suspects d'un prétendu cambriolage - quand "ils n'avaient rien à se reprocher" (Joël Roman).

C'est Nicolas Sarkozy, et non François Bayrou, que l'on sache, qui a très sereinement présenté Yvan Colonna comme "l'assassin du préfet Erignac"...

La présomption d'innocence, dites-vous?

Mais qu'est-ce que c'est que ce truc-là?

Je n'ai pas le souvenir que l'excellent Claude Guéant, que révulsent aujourd'hui les accusations de François Bayrou, ait prié son patron de la fermer - ou de revenir avec des "preuves"?)



7.
Après Santini, après Guéant, après beaucoup d'autres, Nicolas Sarkozy est à son tour monté au créneau, dans son ahurissant discours de Clermont-Ferrand - si révélateur du néant conceptuel où s'ébat la Sarkozie campagnarde.

Déchaîné, il a dénoncé un déni de démocratie, puis, soudain, amarres larguées, le "procès "plus fort que le procès stalinien"".



8.
Il n'est, certes, pas complètement incohérent que l'homme qui fut il y a deux ans si prompt à présenter comme de possibles délinquants, juste après leur disparition, Benna et Traoré, en soit aujourd'hui à sauter à pieds joints, par ses comparaisons obscènes, sur la mémoire des victimes du stalinisme.

Mais tout de même: il est dommage que Nicolas Sarkozy, à son âge, ne sache toujours pas ce qu'étaient vraiment les procès de Moscou.

Il devrait désormais se renseigner.

Se documenter.

Se faire une idée, même superficielle, de ce que furent ces purges.

Il s'éviterait, ainsi, de banaliser, par l'usage de référents évidemment trop grands pour lui, un moment singulièrement effroyable de l'histoire de l'Union soviétique.

Il s'éviterait d'insulter François Bayrou et Marie-Ségolène Royal comme dans une bagarre de rue, en les assimilant à des gens qui furent des criminels fanatiques.

Il éviterait de (beaucoup) relativiser, en la réduisant à l'expression du soupçon qu'un politicien ait pu intervenir auprès de journalistes, la terrifiante réalité de ce que furent les procès de Moscou...



9.
L'épisode clermontois, cependant, vaut pour ce qu'il révèle du bouillon idéologique où baigne le candidat UMP - et de sa pratique démocratique.



10.
Le bouillon, d'abord.

Nicolas Sarkozy, quand il fustige des "staliniens" imaginaires, use d'un procédé, classique dans l'histoire du terrorisme intellectuel, dont ses penseurs de chevet (philosophes, essayistes, politologues ou éditorialistes, suivez mon regard appuyé) ne cessent d'abuser.

Il récite, au mot près, la navrante leçon apprise auprès de ces brillants intellectuels, dont l'argumentation, lorsqu'ils se trouvent confrontés à des contradicteurs, se résume, et pour cause, à des anathèmes, doublés, pour faire bonne mesure, de postures victimaires où le "procès stalinien", voyez si le monde est petit, revient comme une obsession.



11.
La pratique, enfin.

Comme ces penseurs d'élite, Nicolas Sarkozy aime à s'affranchir des règles qu'il édicte pour les autres.

Dans son discours de Clermont-Ferrand, Nicolas Sarkozy a réussi l'exploit de prétendre d'abord que Marie-Ségolène Royal et François Bayrou en seraient bientôt à traiter leurs adversaires de "fascistes", ce que bien sûr ils n'ont jamais envisagé - pour ensuite les traiter, lui dont ils sont les adversaires, de "staliniens".

Faites ce que je dis, pas ce que je fais: Nicolas Sarkozy, là, n'invente rien - il recopie, avec application, les besogneuses rédactions de ses plumitifs de compagnie.

On en parlait ici même, pas plus tard qu'il y a quelques jours: Nicolas Sarkozy a toujours dans sa besace un journaliste ami pour le défendre contre la "diabolisation" dont il prétend faire les frais - pour demander aaaaah, mais qui sont ces gens qui osent traiter Nicolas Sarkozy de fasciste?

Réponse, documentable: ces gens n'existent pas, car aucun des candidats (ils étaient douze) à la présidentielle n'a bien sûr traité Sarkozy de "fasciste" - ni même d'ailleurs de "stalinien".

En somme, Nicolas Sarkozy est tragiquement seul, à s'être laissé aller à de telles bassesses.

Mais il va de soi que pas un des si fins clercs de télé (ou d'hebdo) qui lui sucent la roue ne relèvera cette minuscule contradiction.

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