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18 août 2007 6 18 /08 /août /2007 17:25

Communication avec la presse: La Monuc plus renseignée sur la RDC que le gouvernement !
(Jean N’Saka wa N’Saka, Journaliste indépendant)

 

Le dernier rapport de la Mission des Nations Unies au Congo que Le Phare a reproduit sur quatre pages (7-8-9-10) dans son édition n° 131 du mercredi 08 août, démontre que la Monuc est plus renseignée sur la RDC que le gouvernement congolais. Elle est au parfum, jusque dans les moindres détails, de tout ce qui se passe dans les coins et les recoins reculés de la RDC. Dans ce document, la Monuc retrace, par le menu, la situation générale de l’ensemble du pays caractérisée par les violations des droits de l’homme et les exactions dont les auteurs sont des policiers et des officiers de la police, des soldats et des officiers de l’armée, ainsi que des magistrats.

Tortures, extorsions de biens, exécutions sommaires, tueries, viols, traitements cruels et inhumains, acquittements d’accusés reconnus coupables, l’apathie des autorités administratives locales concernant ces violences que commettent ceux qui sont supposés être les gardiens de la paix, les défenseurs de la patrie et les justiciers. La Monnuc indique avec précision les dates, les lieux, la nature des violences, les noms des victimes, l’identité des auteurs. On croirait se trouver dans la jungle, tant et si bien que le rapport ne mentionne nulle part la réaction d’une autorité quelconque contre ces horreurs et exactions.
Le village Nyabyshwa à 25 km au nord de Luke dans le Sud-Kivu ; des journalistes battus et maltraités à Mbuji-Mayi ; des femmes violées à Bunia ; exécutions à Minembwe; le village Kadimbu à Kabalo à 300 km de Kalemie au Katanga ; pillage par la Brigade Bravo à Kishero et Mushumba au Nord-Kivu ; Songomoyo au bord du Lac Albert en Ituri et Djugoth toujours en Ituri ; Butala à 28 km d’Ilebo au Kasaï Occidental ; Mahagi et Ngote dans la Province Orientale ; Angabo 34 km au sud-est de Mahagi ; Manzasay dans le Territoire de Bagata au Bandundu ; Bakwa-Tshinene à Katanda au Kasaï Oriental ; Kasongo au Maniema, Parc Kahuzi-Biega etc. aucune portion du territoire congolais, si mince comme un cheveu soit-elle, n’échappe à la Monuc. Elle ne se limite pas à constater les faits et à les consigner dans un document. Elle a hebdomadairement et régulièrement rendez-vous avec la presse. Chaque mercredi elle met les journalistes au courant, par briefing, de l’évolution de la situation générale en RDC leur propre pays. Elle leur donne un aperçu des événements quotidiens qui sont ensuite compilés dans un rapport complet. On dirait qu’en matière de communication avec la presse et de diffusion de l’information, la Monuc est plus avancée et plus renseignée sur la RDC que ne l’est le gouvernement congolais.
La démarche adoptée par la Monuc, même si elle a tendance à minimiser les faits si graves qu’elle signale, a ce double avantage de libérer l’information au lieu de la retenir ou de l’occulter, et de prévenir la rumeur, les conjectures et les spéculations. Quels sont ces moyens magiques dont dispose la Monuc et dont le gouvernement manque pour pouvoir évoluer en matière de communication avec la presse et de connaissance de qui se passe dans le pays ? La Monuc dispose d’agents de liaison partout dans le pays et d’un réseau de diffusion de l’information communément appelée « Radio Okapi ». Elle prend rendez-vous hebdomadairement avec la presse. Le gouvernement congolais n’a pratiquement rien à envier à la Monuc. Il a le monopole du réseau officiel de mass média avec des relais dans toutes les provinces du pays. Il a tout un bataillon d’autorités administratives et politico-administratives en permanence sur le terrain ; gouverneurs, commissaires de district, administrateurs de Territoire, chefs de cité ou de quartier, qui sont censés suivre la situation quotidiennement et lui en faire rapport régulièrement. Le gouvernement ne peut donc pas s’estimer moins loti que la Monuc. Surtout que c’est lui qui gère le pays et non la Monuc.

L’obsession de l’obscurantisme

Mais le problème git ailleurs. Le gouvernement devrait connaître toute la situation du pays mieux que la Monuc. Les autorités administratives et politico-administratives étant des fils du terroir, connaissant leurs juridictions comme leur poche, mieux que les représentants de la Monuc dont les sources mêmes d’informations sont curieusement des autochtones comme on le remarque dans son rapport. Les conseils des ministres (avec le chef de l’Etat) et les conseils de cabinet (avec le chef du gouvernement) son sporadiques. Et quand ils se tiennent, les comptes rendus faits à l’issue des réunions à l’attention du public, taisent même les faits devenus les secrets de Polichinelle. Même si ces faits sont déjà largement diffusés par les médias étrangers et la Monuc, le gouvernement ne cherche pas à se dédouaner en donnant une version officielle collant à la réalité. Ou bien on fait semblant d’ignorer systématiquement les faits devenus notoires, ou bien on les dénature étrangement, créant ainsi la confusion dans les esprits. La libération de l’information est un pas vers l’apparition de la démocratie dans un pays. Le contraire est caractéristique des régimes d’essence autocratique.
Soit le gouvernement est bien renseigné sur tout qui se passe dans le pays, mais opte pour l’obscurantisme, c’est-à-dire le refus délibéré d’informer franchement le public, soit ses cadres administratifs et politico-adfministratifs de l’intérieur sont distraits et ne suivent pas l’évolution de la situation dans leurs juridictions respectives pour l’en informer régulièrement en connaissance de cause. De ces deux hypothèses, c’est la première qui s’avère probable. Le gouvernement aurait avantage à sauver la face en prenant l’initiative de donner l’information vraie. Il se fait du tort en laissant cette initiative aux médias étrangers et à la Monuc qui publient les versions authentiques des faits, loin de rehausser la crédibilité du pouvoir en RDC. Comme par un effet d’entraînement, les défaillances du pouvoir ne manquent pas de se répercuter sur le secteur de la communication. J’ai vu et entendu dernièrement une représentante d’une organisation corporative internationale, sur le plateau d’une chaîne de télévision locale à Kinshasa, apprécier la croissance quantitative des médias audiovisuels et écrits en RDC mais déplorer que ce développement ne soit pas compensé par la qualité.
Même le public congolais n’est pas dupe. Par son jugement personnel critique et par ce qu’il apprend de la presse étrangère qu’il suit assidûment jour et nuit, il catalogue ses médias audiovisuels et écrits. Chaque matin devant les kiosques à journaux rudimentaires étalés à même le sol, il pointe l’index vers les manchettes et tous les articles à la Une. Il sait découvrir facilement ce qui est plus ou moins fondé et ce qui est purement imaginaire. La sévérité du jugement porté par la confrérie étrangère et le public congolais n’est pas excessive. Ce jugement est un constat parallèle à celui des déficiences professionnelles d’ordre déontologique et éthique que l’Omec, structure corporative de régulation et d’autorégulation, relève dans ses rapports périodiques d’observation. Les mêmes faiblesses mainte fois remarquées et dénoncées, réapparaissent sans cesse fastidieusement. Les guides conçus, élaborés, imprimés et distribués aux professionnels des médias ne semblent pas avoir été assimilés avec fruit par certains de leurs destinataires. Ce qui est vrai pour la presse, l’est aussi pour tous les autres domaines. C’est la preuve que la société progresse ou régresse par des effets d’entraînement du sommet au bas de l’échelle.

2007-08-16

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