Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
7 mai 2006 7 07 /05 /mai /2006 22:54

L’Afrique aiguise l’appétit de l’ogre chinois

Coopération Sud-Sud

En quête de marchés et de matières premières, la Chine s’intéresse de plus en plus aux pays africains. Ces derniers, séduits par les perspectives d’investissements, réagissent en ordre dispersé.

Quelle capitale africaine n’a pas sa Chinatown ! Depuis son ouverture économique des années 1990, Pékin est devenu le troisième partenaire commercial du continent, derrière les États-Unis et la France. Ces échanges Sud-Sud ont totalisé 30 milliards d’euros en 2005, trois fois plus qu’en 2000. Quant aux investissements chinois en Afrique, ils ont quasiment quintuplé et dépassent la barre des 810 millions d’euros, avec environ 130 000 ressortissants et plus de 800 entreprises sur place.
Celles-ci construisent des routes au Rwanda, au Kenya ou au Botswana, édifient des bâtiments officiels tel le Sénat gabonais ou remportent des contrats dans les télécommunications au Mali comme en Éthiopie. Le géant asiatique s’intéresse aussi aux matières premières dont il a grand besoin pour soutenir sa croissance. Ses opérateurs s’activent dans l’exploitation forestière (Mozambique, Guinée-Équatoriale), minière (Rd Congo, Zambie, Afrique du Sud) et surtout pétrolière (Soudan, Tchad, Angola, Golfe de Guinée). 20% à 30% des importations chinoises de pétrole proviennent de gisements africains.

Pillage des ressources ou transfert technologique ?
Pour Jean-Marie Agboton, économiste d’origine béninoise, cette ribambelle d’investissements peut “impulser l’industrialisation de l’Afrique”. Mais un tel dynamisme dérange et inquiète les grandes puissances, de même que bon nombre d’observateurs africains. D’aucuns redoutent un nouveau pillage des ressources du continent, sans aucun transfert de technologies.
“Pourquoi la Chine n’utilise-t-elle pas la main-d’œuvre locale”, s’émeut le responsable d’une association franco-camerounaise. “Nos entreprises ont besoin d’une main-d’œuvre qualifiée et disciplinée”, rétorque Haichao Sun, de l’ambassade de Chine à Paris. Il arrive que des travailleurs chinois s’établissent ensuite dans le pays d’accueil. Nombre d’entre eux n’hésitent pas à ouvrir leur petit commerce ou leurs étals sur les marchés de rue.
“Ce n’est pas aux Chinois de nous dire comment travailler, juge Patrice Passy, directeur de Miq Conseil, un cabinet d’études franco-africain. C’est aux pays hôtes de définir leurs intérêts stratégiques, en amont, pour être en position de négocier. Au lieu de cela, les gouvernants se précipitent sur tous les financements proposés.”
En Angola, le gouvernement se réjouit des grands travaux réalisés par les entreprises chinoises, notamment la construction de ministères et la rénovation du réseau ferré. Mais leur financement repose sur un prêt de 1,6 milliard d’euros gagé sur la production pétrolière, donc sur l’avenir. Moyennant un taux d’intérêt privilégié, Pékin a remporté, à travers la Sinopec, des parts dans un bloc d’offshore. Cette société d’État est également impliquée dans la construction d’une raffinerie à Lobito, sur la côte angolaise.

Non-ingérence et coexistence pacifique
A la différence de la diplomatie occidentale officielle, Pékin se fait le chantre de la non-ingérence et ne s’embarrasse pas de critères de bonne gouvernance. Le respect “du choix indépendant des pays africains pour leur voie de développement” compte d’ailleurs parmi les principes de la coexistence pacifique prônée par Pékin.
Ainsi, la puissance chinoise commerce sans complexe avec le dirigeant zimbabwéen Robert Mugabe, populaire sur le continent, mais persona non grata dans les sphères occidentales. Les relations avec Harare concernent aussi bien l’armement et la fourniture d’un dispositif pour brouiller les ondes des radios indépendantes que la fastueuse villa présidentielle, conçue par des architectes chinois.
La seule condition posée par la Chine réside dans la rupture diplomatique avec Taiwan, l’île rebelle. Le Sénégal figure parmi les pays s’étant ainsi rapprochés de Pékin, fin 2005. L’annonce fut aussitôt suivie d’une annulation de dette, alliée à des contrats de construction.
Globalement, les relations sino-africaines semblent fonctionner à sens unique, l’Afrique relevant d’un vaste marché où Pékin ferait ses emplettes. “Nos gouvernants sont toujours en attente de l’aide publique extérieure, commente Patrice Passy. Mais depuis la fin de la guerre froide, la Chine a changé de credo et s’est mise au pragmatisme économique.” Exit la rhétorique du régime communiste qui soutenait les mouvements de libération et fournissait une aide sociale ou sanitaire aux pays frères.
Aujourd’hui, des entreprises chinoises et françaises envisagent des partenariats afin d’opérer conjointement sur le continent africain. Il est peut-être temps pour ce dernier de poser, lui aussi, ses conditions. “Les pays africains pourraient demander à Pékin de monter des écoles de formation sur place plutôt que d’envoyer quelques stagiaires africains en Chine”, poursuit l’analyste congolais. Quant à la Fédération sud-africaine de l’ingénierie civile (Safcec), elle appelle à privilégier les maîtres d’œuvre locaux en vue d’atténuer les effets ravageurs de la concurrence chinoise.
Il y a toutefois quelques rares cas où la coopération sino-africaine relève du “gagnant gagnant ”, vanté par Pékin. Ainsi, Sasol, géant sud-africain de la pétrochimie, s’apprête à construire, en Chine, deux usines de liquéfaction du charbon. L’étude de faisabilité est en cours.
 

Par Chrystelle Carroy (Syfia France)
Le 02-05-2006

Partager cet article
Repost0

commentaires

Texte Libre

Recherche

A VOS PLUMES