A – Examen de la situation sociopolitique et économique
I – Introduction
Lors de la tenue du dialogue national à Bangui du 09 septembre au 27 octobre 2005, les représentants de l'ensemble des couches sociales de la République centrafricaine, en vue de la reprise des activités de développement national, ont défini comme but dudit dialogue : la consolidation de la sécurité nationale; l'assainissement des finances publiques, la relance de la production et de la redynamisation du secteur privé, y compris, le redressement des secteurs sociaux; le renforcement des bases de la démocratie par l'assainissement du climat sociopolitique; la lutte contre l'impunité, notamment les crimes économiques.
Tous les objectifs ont été intégralement précisés à l'ouverture du dialogue national par son Excellence le président de la République, François Bozizé.
Toutes les solutions recherchées par le dialogue national, pour la correction des dérapages politiques, économiques, sociaux et culturels, l'ont été sur la base des balises évoqués par le chef de l'Etat. (cf. Page 11 du rapport des actes du dialogue).
Or, une année après les élections de mars et de mai 2005, non seulement que les maux qui ont paralysé la République centrafricaine n'ont pas été éradiqués, conformément aux attentes du dialogue national, pis encore, ils ont été accentués, amplifiés et complétés par d'inexplicables problèmes, qui aujourd'hui ont achevé de plonger les familles centrafricaines dans l'extrême pauvreté sociale.
II – Problématique
A l'issue des élections présidentielles et législatives de l'année 2005 dont le déroulement était loin d'être transparent, les Centrafricains, particulièrement les militants du RDC, respectueux des principes de la démocratie, ont adopté un profil républicain, caractérisé par une trêve sociale, offrant la possibilité aux nouvelles autorités nationales, de jeter les bases d'un véritable programme de redressement de tous les secteurs. C'est dans cet esprit que les partis politiques et la société civile ont balisé leurs activités, de manière à éviter toute entorse, susceptible de perturber les actions du gouvernement.
Douze mois après, il convient de procéder à une évaluation de l'équipe qui est en place. Car les seules élections ne sauraient en soi se transformer en une raison d'être d'un régime ou d'un gouvernement ou produire le bien être à la population. Le peuple qui a confié son devenir à un groupe de personnes, pour la gestion de la chose publique, attend en retour de ce placement de confiance, un bien être dont les perspectives semblent plutôt définitivement fuir la République centrafricaine, à cause d'une méthode de travail totalement inappropriée aux exigences contemporaines de la nation de société et de développement.
Le Rassemblement Démocratique Centrafricain, tout en étant d'accord pour un dialogue politique, estime qu'un diagnostic s'impose et devra permettre de dresser le bilan de 12 mois de gestion du régime, sur les plans politique, économique et social avant de pouvoir en toute conséquence, envisager l'avenir.
III – Diagnostic
III.1 Au plan politique
Pendant le Dialogue national, on a reproché aux régimes antérieurs à la transition les points ci-après : la confiscation du pouvoir de l'Etat; l'existence de la pléthore de micro partis; la violation en toute impunité des droits de l'homme; la mauvaise gouvernance et la corruption au sein de l'administration; le non-respect des engagements en termes de prise en charge effective des représentations diplomatiques de la RCA à l'étranger; la désorganisation de l'Armée dû au recrutement anarchique et à la tribalisation de ses structures de direction; l'insécurité due à la circulation des armes de guerre et à la présence de forces non conventionnelles.
A ce jour, la gestion du pouvoir est l'affaire d'une poignée de personnes évoluant dans le sillage personnel du président Bozizé, ce qui rend impossible toutes actions de concertation à caractère national, susceptible de résoudre les problèmes politiques auxquels le pays est confronté. Mieux encore, le pouvoir, exercé de manière multicéphale, se retrouve entre les mains de quelques bonshommes en tenue et ayant la gâchette facile, s'est transformé en terreur pour une population prise en otage dans son propre pays. D'où la violation en toute impunité des droits de l'homme.
Non seulement les micros partis ont continué d'exister, mais ils papillonnent tous autour du chef de l'Etat qui s'appuie sur eux pour gouverner par l'effet du nombre, noyant de fait numériquement les partis politiques d'assise nationale.
Quant à la mauvaise gouvernance, on peut considéré qu'elle n'a jamais atteint un niveau aussi élevé que sous le régime actuel. Ce gouvernement a certes pris quelques sanctions limitées vis-à-vis d'un petit nombre de fonctionnaires et agents de l'Etat jugés indélicats. Cependant, les véritables prédateurs, maîtres à jouer dans l'art de la corruption et du détournement sont restés impunis, au même titre que les auteurs de multiples exécutions extrajudiciaires, notoirement connus dans toute la République.
Quant à la diplomatie, l'état d'abandon est resté le même.
Au niveau de l'armée, le chaos a été approfondi par l'indiscipline institutionnalisée. Résultat, le citoyen centrafricain, au lieu de se sentir protégé par les hommes en tenue, les perçoit plutôt comme un malheur, ne sachant plus qui est coupeur de routes ni qui est soldats au sens républicain du mot, les deux ayant les mêmes comportements.
III.2 Au plan de la sécurité
Il faut aujourd'hui avoir le courage de la reconnaître. Au plan politique le pouvoir a fait faillite et le désordre s'est généralisé. Les populations à ce jour ne se sentent plus en sécurité ni à Bangui ni dans l'arrière pays. Aucune autorité politique ni militaire ne contrôle plus rien, et l'unité nationale est gravement touchée, à cause de l'insécurité généralisée.
Ce sombre tableau se déroule pourtant sous les yeux d'une Assemblée nationale impuissante, partisane et pratiquement monocolore. Après avoir, dans un premier temps, rassuré l'opinion nationale et internationale que la sécurité régnait à 80 % sur le territoire, le pouvoir a d'abord commencé par dire que l'insécurité dont on parle est le fait de coupeurs de route pris de bandits de grands chemins. Il a fallu la déclaration du Lieutenant Ndjader pour que le pouvoir admette l'existence d'une rébellion armée. L'Assemblée nationale n'a pas réagi pour éviter le pire au point qu'on en arrive aujourd'hui à la naissance de mouvements armés dans le nord, conséquences de la politique de l'exclusion pratiquée par le président Bozizé et son premier Ministre Elie Doté.
L'insécurité est désormais totale sur le territoire.
De graves exactions sont commises sur nos Frères et Sœurs de l'arrière pays (principalement dans l'Ouham et l'Ouham Pendé) qui ne peuvent plus vaquer à leurs travaux champêtres avec comme conséquences la famine, le chômage et l'exode vers les pays voisins. Le pouvoir n'explique pas ce qu'il fait lorsqu'il s'agit de la rébellion et ne pose aucun acte juridique pour combattre l'impunité lorsqu'il s'agit des éléments zélés des forces de l'ordre à ses services.
III.3 Au plan de l'expression
Les partis politiques sont muselés. Ils n'ont d'accès aux médias de l'Etat. L'animation de la vie politique dévolue aux partis politiques est devenue un monologue orchestré en faveur des partis proches du pouvoir. Les marches de protestations, les débats contradictoires qui sont les moyens d'expression de la démocratie sont bannis et fortement réprimées. Tous les cadres militants des partis de l'opposition sont systématiquement exclus des responsabilités dans toutes les institutions de la République.
III.4 Au plan économique
Sans un climat de sécurité, sans la garantie de protection des biens et des personnes peut-on logiquement parler de développement socioéconomique ? Cette seule question donne la réponse à ce qui peut encore ressembler à une base de développement économique en RCA.
Au dialogue national, l'on a déploré : l'absence d'un plan national de développement ; le peu de crédibilité des autorités vis-à-vis des partenaires au développement ; l'abandon des ressources nationales aux prédateurs étrangers.
Premièrement, y a-t-il eu changement ? Que constate t-on ?
L'absence d'un projet de société du candidat Bozizé hier et aujourd'hui président se fait sentir. L'inexistence d'un projet de société assorti d'un plan de développement conduit à ce jour à une absence totale de coordination des actions gouvernementales. Il s'en suit, que chaque responsable du pays, à quelque niveau que ce soit, en fait à sa tête. Les exemples ne manquent pas.
Les ressources nationales, notamment le diamant, l'or et le bois continuent frauduleusement de sortir du territoire national, avec la complicité de certaines autorités du pays. Alors qu'une gestion saine à ce niveau peut résoudre la plupart des problèmes de la RCA.
Sur ce point, une véritable nébuleuse règne sur les rôles des uns et des autres, les profiteurs restant invisibles. Pour ce qui est du secteur privé, il est et demeure le monopole des étrangers.
A quel moment le gouvernement et l'Assemblée vont-ils réagir pour qu'enfin le Centrafricain accède aux ressources de son pays ?
III.4 Au plan social
Le vécu quotidien du peuple sert de vitrine pour les actions menées par les politiques. On ne peut pas s'attendre à un bien être social, dès lors que l'insécurité couvre l'ensemble du territoire, et que la misère siège devant la porte de chaque individu.
L'Assemblée nationale qui est pourtant le défenseur du peuple ne rempli pas sa mission. Les intérêts des citoyens sont ignorés. Le gouvernement d'Elie Doté, après avoir soutenu qu'on accorde le pouvoir exceptionnel au Président de la République, n'améliore aucunement pas la vie de ses administrés. L'Assemblée nationale, mieux, s'aligne systématiquement derrière le gouvernement pour engager nos compatriotes dans une mort lente. A titre d'exemple : l'augmentation de la TVA ayant entraîné une hausse vertigineuse des prix ; l'augmentation secrète des tarifs d'électricité afin de récompenser les amis politiques ; la vente de produits périmés au vu et au su des autorités ; des ruptures de stocks entretenus par les commerçants ; les retraités, les fonctionnaires, les étudiants et les enseignants bafoués et ignorés ; etc.
De 60 à 70 % des populations vivant avec moins d'un (1) dollar par jour en 2000, la RCA aujourd'hui est passé à 95%, selon les estimations des organismes internationaux.
En d'autres termes, à peu près 5% des Centrafricains ont un pouvoir d'achat égal ou supérieur à un (1) dollar par jour. Cette situation découle naturellement : de la confiscation de la totalité des richesses nationales par les hommes du pouvoir ; des détournements organisés et protégés au niveau des finances ; de l'absence d'investissement due à l'insécurité généralisée.
Même le paysan ne peu plus en toute quiétude vaquer à ses occupations champêtres, à cause des bandes armées qui ont envahi le territoire centrafricain.
Il s'en suit par conséquent, une pauvreté accrue à tous les niveaux. A cela, il faut ajouter, les arriérés de salaires, de bourses et pensions, le SIDA, les enfants de la rue en surnombre, les mendiants devenus omniprésents et qui se disputent la rue avec les enfants fugueurs.
Les structures de santé manquent de personnel qualifié, de matériels et de médicaments, surtout dans les provinces. Cette situation contraint un nombre élevé de familles à se rabattre sur les plantes médicamenteuses pour soigner les maladies, avec les risques que cela comporte.
De nombreuses écoles sont victimes de la carence en personnels enseignants vacataires rendant complexe le problème de l'encadrement effectif des élèves, dont le niveau baisse d'année en année.
IV – Conclusion sur la situation sociopolitique et économique
Face à ce sombre tableau et ce bilan totalement négatif, le Président Bozizé doit maintenant faire le constat que les institutions qu'il a mises en place (Assemblée nationale et gouvernement) manquent de volonté à l'aider ou manifestent une incompétence et tirer les leçons qui s'imposent à partir des pouvoirs que lui confèrent la Constitution.
B – A propos du dialogue
I – Type de dialogue
La mauvaise gouvernance ayant entraîné le pays dans une impasse politique et économique, c'est seulement avec la classe politique que le dialogue doit avoir lieu en vue de fixer une nouvelle orientation politique à la nation.
C'est donc un débat politique franc et responsable sur les problèmes politiques, économiques et sociaux assorti de recommandations ayant un caractère immédiatement exécutoire qui devra être mené. Car la nation centrafricaine a trop souffert du non respect des engagements souvent pris lors de ces types de rencontre.
II - Objectifs
L'objectif global de ce dialogue est de pouvoir redonner confiance au peuple à travers de nouvelles élections.
III – Si le dialogue n'est pas comme l'on souhaite
LE RDC ne prendra pas part à une rencontre folklorique où les acteurs sont préparés aux applaudissements de chaque phrase.
C – Définition d'un nouveau cadre de concertation
Le RDC est d'accord sur le principe mais fait savoir que la survie d'une telle structure dépend de la sincérité des débats.
Fait à Bangui, le 09 mai 2006
Le Secrétaire Général
Pascal KOYAMENE