Congo-Kinshasa: L'Eglise catholique dit non à l'imposture
5 Mai 2006
Publié sur le web le 5 Mai 2006
Modeste Mbonigaba, Secrétaire Général Du Calcc Et Marie-Thérèse Mulanga, Vice-Présidente
Kinshasa
Du 16 avril au 1er mai 2006, c'est-à-dire en l'espace de seulement quinze jours, la haute hiérarchie de l'Eglise Catholique du Congo a effectué trois sorties médiatiques.
Dans l'ordre chronologique, il y a d'abord eu le message pascal de Son Excellence Mgr Tharcisse Tshibangu, Evêque de Mbuji-Mayi et Vice-Président de la Conférence Episcopale Nationale du Congo qu'il a conclu par " la nécessité actuellement ressentie et reconnue de tous les côtés, de tout faire pour rassembler et orienter ensemble, dans la même direction, tous les atouts favorables et toutes les chances de parfait déroulement et de pleine et totale réussite des prochaines échéances électorales ".
Clôturant le séminaire de la section congolaise de l'association des journalistes et communicateurs catholiques, le dimanche 23 avril 2006, Son Eminence le Cardinal Frédéric Etsou, Archevêque de Kinshasa a, dans son homélie, déclaré ceci : " Si j'insiste beaucoup sur la nécessité d'informer et de former le peuple par les moyens de communication sociale, c'est parce que vous participez à la culture de l'esprit. Soyez des communicateurs de la vérité, pas de mensonge. Essayez de communiquer toujours ce qui est vrai. Il ne faut pas faire comme la radio Mille Collines au Rwanda. Faites attention car maintenant c'est la campagne électorale. Ne vous laissez pas acheter. Sachez que même si on remplit cette église de l'argent pour vous, un jour, on finira par vous mettre dans un petit cercueil et vous laisserez cet argent. Que vos informations aident les Congolais à se mettre ensemble. Vous avez laissé ce pays entre les mains des étrangers qui sont en train de le diviser ".
Comme pour enfoncer le clou, Son Excellence Mgr Laurent Monsengwo, Archevêque de Kisangani et Président de la Conférence Episcopale Nationale du Congo a, dans une déclaration " historique " en neuf points, attiré , une fois encore, l'attention des uns et des autres sur la nécessité d'organiser une " campagne électorale dans la vérité".
L'heure est donc grave. C'est " l'Heure de la Vérité " pour chaque conscience.
Ce besoin de vérité exprimé à l'unisson par la hiérarchie de l'Eglise Catholique est en fait l'expression d'une grande inquiétude : celle de voir cette nième transition échouer. Celle de voir cette transition passer à côté de son objectif central, à savoir : secréter " des dirigeants nouveaux pour un Congo nouveau ". Pour l'Eglise Catholique en effet, " La IIIème République ne réussira véritablement que si le peuple arrive à élire des hommes nouveaux, avec un sens élevé de l'amour de ce Pays, soucieux du bien commun, rompus à la bonne gouvernance, ayant une probité morale et une bonne capacité intellectuelle doublée d'une expérience bien éprouvée, bref, des hommes capables d'affronter les grands défis du monde moderne marqué par la mondialisation et la complexité des problèmes. Notre cher Pays est riche, non seulement en potentialités naturelles, mais aussi et surtout en ressources humaines. Le peuple a besoin des hommes qui veulent le développement intégral de ce Pays, des artisans de paix, de justice et d'unité nationale. Le Congo sera sauvé à ce prix. Avec une nouvelle mentalité et une grande volonté politique, notre pays peut entrer rapidement dans le concert des grandes nations du monde ".
L'inquiétude des Evêques est d'autant plus fondée que, malgré leurs appels répétés invitant la Communauté Internationale à s'abstenir d'imposer une issue aux élections en soutenant plutôt le peuple dans son choix libre de nouveaux dirigeants, cette dernière semble être prête à " se contenter d'organiser des élections n'importe lesquelles, pourvu qu'il y ait un semblant de légitimité ", quitte à avaliser des fraudes dans le déroulement de celles-ci ! Mieux, elle semble avoir déjà choisi ses " clients " à différents niveaux, clients qu'on reconnaît du reste facilement à travers les diverses prises de position en rapport avec la question aujourd'hui à l'ordre du jour, à savoir : comment gérer l'après 30 juin 2006 ?
C'est pour conjurer le sinistre scénario d'un choc frontal entre ceux qui veulent que les prochaines élections déjà soient fondatrices d'un Nouvel Ordre Politique au Congo et les partisans d'un " vote alibi " (juste bon pour la consommation extérieure), que les Evêques proposent l'ouverture d'un dialogue. Un dialogue non pas pour parler des hommes et des événements mais pour parler du Congo que nous voulons léguer à nos enfants après 46 ans de gâchis de moins en moins accepté par les nouvelles générations. Il faut absolument dialoguer parce que " de bons observateurs et analystes, congolais et étrangers sont en ce moment conscients des risques de situation de troubles sérieux et graves qui pourraient entourer ou suivre la tenue des élections dans un délai trop rapide et précipité, sans avoir pris suffisamment des précautions préalables adéquates ".
Or, dans la mesure où il est désormais acquis " qu'il sera impossible d'organiser les élections avant le 30 juin 2006, ainsi que cela a été prévu par l'Accord Global et Inclusif et par la Constitution de la transition, il va de soi que tout réaménagement du calendrier électoral ne peut se faire unilatéralement. Il doit être le fruit d'un consensus entre les forces vives de la Nation ".
Désormais, la balle est dans notre camp, nous les Laïcs catholiques et tous les hommes de bonne volonté, dont la mission est d'être " sel de la terre et lumière du monde ". En effet, à travers ses trois plus hauts représentants, notre Eglise nous montre clairement le chemin à suivre. A l'issue de ce dialogue, un Comité National de suivi du processus électoral doit être mis en place pour assurer le monitoring du processus et pour jouer le rôle de médiation entre les Institutions chargées de la question électorale et la population. C'est le prix à payer pour rendre à nouveau crédible l'ensemble du processus électoral en cours.
Face à un pouvoir judiciaire sur lequel pèse une lourde hypothèque d'impartialité, une Commission Electorale dont l'indépendance devient de plus en plus un mot vide de sens, une armée républicaine de plus en plus introuvable.il ne reste qu'une seule issue : demander au peuple de se réapproprier à sa manière tout le processus en cours afin de prendre réellement possession du Pays que Dieu lui a donné. Au CALCC, nous sommes prêts à nous assumer.